La mesure semble drastique puisque l’Européen brûle actuellement 6 000 W/an et l’Américain… le double ! Il faut donc diviser respectivement leur consommation par 3 et par 6. Établir si la chose est réaliste ou non est pour le moins délicat, mais nous pouvons toutefois nous livrer à quelques calculs.
Tout d’abord, quelques règles de trois. Le United States Census Bureau nous apprend que les États-Unis possèdent actuellement 307,894 millions d’habitants (disons 308 millions), soit 4,5% de la population mondiale : 6,796 millions. Et selon Wikipédia, nous sommes actuellement 731 millions d’Européens.
Ce qui nous mène au tableau suivant.
Région | Population
(millions) |
Moyenne actuelle
(W/an/personne) |
Consommation
(GW annuels) |
U.S.A. | 308 | 12 000 |
3 696 |
Europe | 731 | 6 000 | 4 386 |
U.S.A. + Europe | 1 039 | 7 778 | 8 082 |
Monde | 6 796 | 2 000 | 13 592 |
Monde-(USA+Europe) | 5 757 | 957 | 5 510 |
Les pays « non riches » auraient donc une consommation annuelle moyenne de près de 1 000 W/personne. Bigre, je m’étais donc fait des idées avec toutes ces images de gosses affamés et de populations déportées. Et cela donne quoi en équivalent pétrole ? 2 700 litres / 2 000 * 957 = 1 292 litres de pétrole, soit trois litres et demi par jour et par personne. Bon, c’est moins que nous mais c’est moins grave que je pensais. Bonne chose !
Mais voilà qu’un doute me traverse. La lecture du site zurichois m’avait conduit à accepter l’équation « Pays riches = USA + Europe ». Mais le Japon, le Brésil, le Vénézuela, la Chine. Ne doivent-ils pas entrer dans la balance ? D’autant que les États-Unis ne représentent que 4,5% de l’humanité souffrante. D’accord, la plus grande surface des ces pays est peuplée de gens dont la principale consommation énergétique se résume au travail musculaire, mais passer au blanc des villes comma Caracas, Sao Paulo ou Hongkong ne peut se faire sans un examen préalable. D’autant qu’il me semble bien qu’elles constituent des économies émergentes qui vont peser de plus en plus lourd.
Et puis il y a aussi le Canada, et l’Australie. Bon, je sais bien, ce sont des coins un peu bizarres mais on ne va tout de même pas les exclure en raison de leurs gastronomies douteuses et de leurs accents impossibles.
Bien, l’infatigable Wikipédia va nous aider à dresser un tableau des villes avec lesquelles il faut sans doute compter :
Ville | Pays | Population |
Tokyo – Yokohama | Japan | 34,670,000 |
Seoul – Incheon | South Korea | 19,660,000 |
São Paulo | Brazil | 19,505,000 |
Mexico City | Mexico | 18,585,000 |
Osaka – Kobe – Kyoto | Japan | 17,310,000 |
Shanghai | People’s Republic of China | 14,655,000 |
Shenzhen | People’s Republic of China | 14,230,000 |
Buenos Aires | Argentina | 12,925,000 |
Beijing | People’s Republic of China | 12,780,000 |
Guangzhou – Foshan | People’s Republic of China | 11,850,000 |
Rio de Janeiro | Brazil | 11,400,000 |
Istanbul | Turkey | 11,330,000 |
Nagoya | Japan | 9,285,000 |
Tianjin | People’s Republic of China | 8,340,000 |
Johannesburg | South Africa | 7,500,000 |
Hong Kong | Hong Kong, China | 7,000,000 |
Kuala Lumpur | Malaysia | 5,715,000 |
Riyadh | Saudi Arabia | 4,650,000 |
Singapore | Singapore | 4,485,000 |
Porto Alegre | Brazil | 3,495,000 |
Durban | South Africa | 3,195,000 |
Cape Town | South Africa | 3,175,000 |
Jeddah | Saudi Arabia | 3,115,000 |
Salvador | Brazil | 3,100,000 |
Caracas | Venezuela | 2,645,000 |
Dubai | United Arab Emirates | 2,335,000 |
Fukuoka | Japan | 2,245,000 |
Kuwait City | Kuwait | 2,190,000 |
Brasília | Brazil | 2,185,000 |
Nous pourrions continuer (Moscou etc.) mais arrêtons-nous déjà ici : en ajoutant le Canada et l’Australie, nous avons atteint une population plus large que celles des U.S.A : 339 millions d’habitants !
Que consomment tous ces gens ? L’absence de données précises nous impose une certaine audace L’épatant Gapminder nous confirme graphiquement que la consommation énergétique est fortement corrélée au revenu moyen. Et, à titre d’exemple, Tokyo est la ville la plus riche du monde. Osaka est en 8e position, suivie par Séoul et Mexico City. Hongkong est en 13e position, Buenos Aires en 16e et Singapore en 18e tandis que Vienne n’arrive que cinquantième. Nous pouvons donc estimer sans trop de risque que ces populations brûlent au moins autant d’énergie que l’occidental moyen, soit 7 778 W/an. Adoptons donc cette valeur de travail.
Nous pouvons maintenant insérer une nouvelle ligne dans notre tableau.
Région | Population
(millions) |
Moyenne actuelle
(W/an/personne) |
Consommation
(GW annuels) |
U.S.A. | 308 | 12 000 | 3 696 |
Europe | 731 | 6 000 | 4 386 |
U.S.A. + Europe | 1 039 | 7 778 |
8 082 |
oubliés de Zurich | 339 | 7 778 | 2 637 |
Monde | 6 796 | 2 000 | 13 592 |
Populations pauvres | 5 418 | 487 | 2 637 |
Et bien voilà : les pauvres sont deux fois plus pauvres que ne le laissait entendre le tableau zurichois (et sans doute plus encore, les hypothèses ayant été réalisées a minima.)
Quelle est la conclusion de cette histoire ? Je ne savais pas très bien comment l’amener et vous remercie de me poser la question. J’en vois en fait plusieurs.
- Même avec les meilleures intentions du monde, grossir le trait à des fins de communication peut avoir des effets pervers qui faussent l’analyse et peuvent mener à adopter des stratégies qui ne sont pas nécessairement les meilleures. Comme me répétait mon prof de biologie : « De la précision, sinon c’est la catastrophe ! »
- Le modèle selon lequel l’Europe et l’Amérique sont les deux poles de la richesse mondiale est dépassé, et le sera de plus en plus.
- L’écart entre les gros consommateurs d’énergie et les petits est de 1/25 et non de 1/12.
Alors, il serait à l’évidence très utile que les gros consommateurs modèrent quelque peu leur goinfrerie énergétique. Mais il est au moins aussi indispensable que les exclus de la gabegie puissent avoir accès à plus : il n’y a pas de développement durable sans énergie.
Il me semble fondamental d’intégrer cette donnée à l’équation, comme il me semble indispensable de coupler la démarche écologique à une réflexion humaniste.
Pourquoi ne pas le faire en imaginant un mécanisme de solidarité assez simple ?
Le Système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est devenu un marché très spéculatif mais aussi un peu honteux. L’instauration d’une taxe sur ces opérations offrirait la possibilité de financer l’installation d’éoliennes, de petites centrales hydroélectriques ou de capteurs solaires à destination de populations pauvres. J’imagine qu’elle serait aussi de nature à redorer quelque peu l’image des spéculateurs.
Bref, un Plan Marchall énergétique alimenté par la spéculation sur les droits d’émission.
Sources