Cette gabegie de CO2 trouve sa source principale en amont de la production agricole ; le pétrole, lui, est déjà produit et déjà stocké. La production de bioéthanol nécessite d’énormes surfaces de terres fertiles, et ces surfaces sont prises sur la forêt. Or, une parcelle de forêt capte toujours beaucoup plus de carbone atmosphérique qu’une parcelle de terre agricole. En outre, lors du défrichage, une partie importante du carbone défriché va se retrouver dans l’atmosphère. Si le bioéthanol, une fois dans le moteur, est effectivement un peu plus propre, une étude publiée par Joe Fargione et David Tilman dans The Nature Conservancy et par l’University of Minnesota, démontre qu’il faudrait attendre 420 ans pour que la balance du CO2 retrouve son équilibre.
La solution qui consiste à consacrer des terres agricoles aux biocarburants ne fait que déplacer le problème : les fermier américains alternaient traditionnellement la culture du maïs avec celle du soja. La demande croissante en éthanol en a convaincu de nombreux de ne plus se consacrer qu’au maïs. Résultat : pour faire face aux besoins de la planète en soja, le Brésil en est devenu le principal exportateur après avoir défriché ce qu’il fallait de forêt pour en organiser la culture.
Le bilan du bioéthanol en termes de CO2 est donc catastrophique. Il faut arrêter de donner des labels écologiques aux voitures appelant ce type de carburant. À moins qu’une solution plus réaliste n’émerge, par exemple par l’utilisation du plancton.
Un autre aspect particulièrement noir des agrobiocarburants est qu’ils font directement concurrence avec l’alimentation, particulièrement dans les pays pauvres. Le marché des aliments de base peut devenir hautement spéculatif : il y a quelques mois, le prix de la tortilla a atteint des sommets au Mexique où il constitue l’essentiel de l’alimentation, déclenchant de très importants mouvements sociaux. C’est que, désormais, le maïs mexicain se vend très bien aux firmes américaines de biocarburants.
De tels effets sont observés alors que les biocarburants ne font que commencer leur percée. Si ceux-ci continuent leur ascension, les instabilités géopolitiques, financières et sociologiques liées au pétrole nous paraîtront bien anodines.
Que nos ressources fossiles soient limitées est une évidence, mais se rabattre sur nos champs et nos forêts en guise de solution est une folie. Les forêts doivent rester des forêts pour le maintien de la biodiversité et la stabilisation du cycle du carbone. Et les champs doivent servir à nourrir les hommes.
avk
Sources
www1.umn.edu/umnnews/Feature_Stories/The_dark_side_of_biofuels.html
www.reuters.com/article/bondsNews/idUSN0715309720080207
www.radiohc.cu/espanol/comentarios/mayo07/comentario10mayo.htm
www.liberation.fr/actualite/monde/229270.FR.php
www.ecoportal.net/content/view/full/69023